BOX _ FB

RECHERCHE PAR ANNEES - REALISATEURS

NAME : Satyajit Ray  |  Andrei Tarkovski  |  Thomas Vinterberg  |  Sergei Mikhailovitch Eisenstein  |  Wim Wenders  |  Jim Jarmusch  |  Jean-Luc Godard  |  Orson Welles  |  David Lynch  |  Wong Kar Wai  |  Isidore Isou  |  Martin Scorsese  |  Ettore Scola  |  Clyde Bruckman  |  Buster Keaton  |  Vittorio de Sica  |  John Huston  |  Francis Ford Coppola  |  Elia Kazan  |  Terry Gilliam  |  Brian de Palma  |  Dino Risi  |  Michael Curtiz  |  Kim Ki-Duk  |  Stanley Kubrick  |  Charlie Chaplin  |  Darren Aronofsky  |  Arthur Penn  |  Sylvain Chomet  |  Stanley Donen  |  Gene Kelly  |  Glauber Rocha  |  Mathieu Kassovitz  |  Henri-Georges Clouzot  |  Alain Corneau  |  Alan Parker  |  Marcel Pagnol  |  Marcel Carné  |  John Cassavetes  |  Charles Laughton  |  John Schlesinger  |  Sidney Lumet  |  Ingmar Bergman  |  Francois Truffaut  |  Mario Monicelli  |  Sergio Leone  |  Dalton Trumbo  | 

YEARS : 1925  |  1926  |  1931  |  1938  |  1939  |  1940  |  1941  |  1942  |  1948  |  1949  |  1951  |  1952  |  1953  |  1954  |  1955  |  1962  |  1964  |  1965  |  1966  |  1967  |  1968  |  1969  |  1970  |  1971  |  1974  |  1976  |  1977  |  1979  |  1980  |  1981  |  1982  |  1983  |  1984  |  1985  |  1986  |  1987  |  1990  |  2000  |  2002  |  2003  | 

FILMS : Charulata | Satyajit Ray | 1964 M le Maudit | Fritz Lang | 1931 Festen | Thomas Vinterberg | 1998 Offret | Le Sacrifice | Andrei Tarkovski | 1986 Le Cuirassé Potemkine | S.M. Eisenstein | 1925 Raging Bull | Martin Scorsese | 1980 Brutti Sporchi e Cattivi | Ettore Scola | 1976 The General | Clyde Bruckman, Buster Keaton | 1926 Ladri di Biciclette | Vittorio de Sica | 1948 The Maltese Falcon | John Huston | 1941 Rumble Fish | Francis Ford Coppola | 1983 Les Ailes du Désir | Wim Wenders | 1987 Traité de Bave et d'Eternité | Isidore Isou | 1951 On the Waterfront | Elia Kazan | 1954 Brazil | Terry Gilliam | 1985 Down by Law | Jim Jarmusch | 1986 Alphaville | Jean-Luc Godard | 1965 Scarface | Brian de Palma | 1984 Le Fanfaron | Dino Risi | 1962 Casablanca | Michael Curtiz | 1942 Citizen Kane | Orson Welles | 1941 In Mood For Love | Wong Kar Wai | 2000 Printemps, été, automne, hiver ... et printemps | Kim Ki-Duk | 2003 Dr. Strangelove | Stanley Kubrick | 1964 Third Man | Carol Reed | 1949 The Great Dictator | Charles Chaplin | 1940 Requiem for a Dream | 2000 | Darren Aronofsky Bonnie And Clyde | 1967 | Arthur Penn Les Triplettes de Belleville | 2003 | Sylvain Chomet Singin'in the Rain | 1952 | Stanley Donen et Gene Kelly Antonio das Mortes | Glauber Rocha | 1969 La Haine | 1995 | Mathieu Kassovitz Le Salaire de la peur | 1953 | Henri-Georges Clouzot C'eravamo Tanto Amati | 1974 | Ettore Scola Série Noire | 1979 | Alain Corneau Pink Floyd | Wall | 1982 | Alan Parker A Clockwork Orange | 1971 | Stanley Kubrick La Femme du Boulanger | 1938 | Marcel Pagnol Le Jour se Lève | 1939 | Marcel Carné Hôtel du Nord | 1938 | Marcel Carné Faces | 1968 | John Cassavetes La Nuit du Chasseur | 1955 | Charles Laughton Macadam Cowboy | 1969 | john Schlesinger Douze Hommes en colère | 1957 | Sidney Lumet Fahrenheit 451 | 1966 | Francois Truffaut La Valse des Pantins | 1983 | Martin Scorsese Le Pigeon | 1958 | Mario Monicelli Le Visage | 1957 | Ingmar Bergman Le Beau Serge | 1959 | Claude Chabrol Maarek Hob | 2003 | Danielle Arbid Rosetta | 1998 | Luc et Jean-Pierre Dardenne The Servant | 1963 | Joseph Losey Glenn Ford Quentin Tarantino Shohei Imamura Patrick Dewaere John Cassavetes Il Buono, il Brutto e il Cattivo | The Bad, The Good and The Ugly | Sergio Leone | 1966 Sergio Leone Johnny Got His Gun | Dalton Trumbo | 1971 David Lynch | Rabbits | 2002 David Lynch | Symphony No. 1 : The Dream of the Broken Hearted | 1990 David Lynch | Eraserhead | 1977

Rechercher sur le Blog 7 Art Cinema

Affichage des articles dont le libellé est Peter_Lorre. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Peter_Lorre. Afficher tous les articles

The Maltese Falcon | Le Faucon Maltais | John Huston | 1941


Titre Original : The Maltese Falcon

Titre Français : Le Faucon Maltais

Année : 1941

Etats-Unis - Film Noir / Policier - 1h41


Réalisation : John Huston

Avec Humphrey Bogart (Sam Spade), Mary Astor (Brigid O'Shaughnessy), Gladys George (Iva Archer), Peter Lorre (Joel Cairo), Barton MacLane (Det. Lt. Dundy)...





L'invention du noir Par Jean-Luc Douin

Sales histoires. Qui commencent à San Francisco, en 1915. Pour 10 dollars par jour, Dashiell Hammett passe des heures embusqué sous des porches d'immeuble, à filer le train à des suspects. Costume cintré cravate, moustache dandy, ce grand type élégant cache une entaille au crâne sous son feutre impec. Il a des cicatrices aux jambes, il vote rouge, crache du sang. C'est un tubard alcoolo. Officiellement, il est détective privé, à l'agence Pinkerton. Viscéralement, agent trouble. Il hante la ville des vices et des corruptions, ses bars, ses docks, ses champs de courses et ses combats de boxe. Hammett n'est pas homme à protéger la propriété privée, ni à se rendre complice des injustices sociales. Lassitude, écoeurement, démission.

Hammett renaît au début des années 1920. Comme écrivain. Des personnages douteux qu'il a fréquentés, de ces affaires sordides qu'il considère comme de la "pisse d'âne", il fait des nouvelles publiées par le mensuel Black Mask. Engagé comme rédacteur publicitaire à mi-temps chez un bijoutier, il a d'abord adressé ses premiers textes au magazine Smart Set (l'ancêtre du New Yorker), puis découvert que, comme après lui William Burnett, Don Tracy, James Cain ou Horace Mc Coy, venus du journalisme sportif ou criminel, il est l'auteur rêvé des pulp magazines, ces revues vendant de ténébreuses sensations imprimées sur du mauvais papier. Black Mask (dont le nom attise la mythologie du loup noir porté par les héros de la littérature populaire) a été lancé pour renflouer les caisses de Smart Set. Il va peu à peu évoluer vers la littérature hard-boiled, le récit "dur à cuire".

Hommes mélancoliques dans troquets sombres, rousses flamboyantes en négligés affolants, guet-apens dans les impasses, pin-up toisant le fouille-merde en fumant une cigarette ou en le menaçant d'une arme, ombre inquiétante sur un mur, voiture dérapant dans la nuit ou fantôme de blonde errant sous la pluie : c'est là, dans les pulps, les paperbacks à quatre sous, qu'est né un genre qui, depuis, a prospéré en célébrant le crépitant mariage de la mitraillette et de la machine à écrire, puis les noces noires des anges aux figures sales avec le cinéma.

Pas de panique ! Le terme de detective story a été inventé par Edgar Allan Poe, créateur du premier détective amateur (Auguste Dupin). Le Sherlock Holmes d'Arthur Conan Doyle est bien le premier détective privé (créé en 1887), avant que ne naissent un détective-cambrioleur (l'Arsène Lupin de Maurice Leblanc, en 1905), un détective-reporter (le Rouletabille de Gaston Leroux, en 1907), un prêtre-détective (le Père Brown de Chesterton, en 1910). Mais si l'on parle aujourd'hui de film noir, si Quentin Tarantino a fait d'Uma Thurman une sulfureuse séductrice dans Pulp Fiction, c'est à la gloire des hard-boiled aux couvertures tapageuses qu'on le doit (couvertures qui influenceront les affiches des films ténébreux), et à la façon dont Dashiell Hammett transcenda ces histoires où le privé se préoccupe moins de prouver son ingéniosité à manipuler passe-partout et pinces-monseigneur qu'à fumer des tonnes de cigarettes et à vider des bouteilles de whisky dans des chambres d'hôtels miteux.

"Dashiell Hammett, c'est l'ange tutélaire, dit Jean-Bernard Pouy, inventeur en 1995 du Poulpe, un personnage qu'ont fait vivre plusieurs auteurs. C'est d'abord l'homme qui fascine. Plus que les autres, il ressemble à l'idéal des écrivains de l'école du néo-polar français : un type pour lequel l'écriture est importante, mais pas nécessaire. Qui est capable de disparaître pour boire, vivre, aimer, militer. On nous a accusés d'être issus de Mai 68. Erreur ! Tout vient de lui, acteur de son temps !"

"Hammett, le jazz : on a baigné là-dedans. C'est l'emblème du thriller à motivations politiques", dit Alain Corneau, auteur du film Série noire (1979). Tandis que le réalisateur Francis Girod souligne son écriture "qui respirait le cinéma à chaque phrase". Et que l'écrivain Michel Le Bris, le créateur du Festival de Saint-Malo, honore "la sensation d'une inépuisable énergie, d'une écriture vouée aux marges, aux ruelles sordides, aux arrière-cuisines, enfin libérée des ronds-de-jambe et des préciosités salonnardes".

"J'ai la peau dure sur ce qui me reste d'âme et, après vingt années passées dans le monde du crime, je peux regarder n'importe quel meurtre sans y voir autre chose que du beurre dans les épinards, mon boulot quotidien" : telle est la cynique profession de foi de Continental Op, le détective dont Hammett va faire le héros de vingt-six nouvelles et de deux romans, avant d'imaginer Sam Spade, le narrateur du Faucon de Malte (Gallimard). Raymond Chandler trouvera une formule immortelle pour honorer la révolution lancée par Hammett : "Il a sorti le crime de son vase vénitien et l'a flanqué dans le ruisseau. (...) L'idée ne semblait pas si mauvaise de l'éloigner des conceptions petites-bourgeoises sur le grignotage des ailes de poulet par les jeunes filles du grand monde."

Dashiell Hammett n'a cure des haut-le-coeur de la National Organization of Decent Literature, qui demande parfois à la Brigade des moeurs de saisir certains Pocket Books trop éloignés des énigmes pudding d'Agatha Christie. Il est de ceux qui glissent des dragées au poivre dans les thrillers trop rhétoriques et jettent du piment sur "la langue de bois des politiciens, des prédicateurs, des hommes de loi". Ouvertement lancés comme des pavés contre l'Amérique capitaliste, les textes d'Hammett allient critique sociale, violence documentaire, lyrisme brutal. Il ne s'agit plus, chez lui, de mettre en valeur les subtiles déductions d'un invulnérable enquêteur, mais de plonger un incorruptible désabusé dans une atmosphère glauque, de le faire réagir avec ses nerfs et ses tripes, de lui faire plonger les mains dans l'ordure, de le faire se faufiler chez les crapules. Il n'y a plus de crimes parfaits, il n'y a que des meurtres odieux. Il n'y a plus d'énigme prétexte à divertissement cérébral, mais la sensation suffocante de s'immiscer dans l'empire du Mal. Le tout dans un style efficace, qui "claque comme un coup de fouet", un langage cru, un découpage de séquences rapide et frénétique.

C'est ainsi que, jusqu'en 1952 - date à laquelle la croisade anti-communiste allait s'acharner contre lui -, Hammett fut constamment réédité et que son influence grandit. C'est ainsi que les studios hollywoodiens achetèrent les droits d'adaptation des pulps, et engagèrent certains de leurs auteurs comme scénaristes. C'est ainsi que, transposé au cinéma par John Huston en 1941, Le Faucon maltais donne au film noir un radical coup de punch. Le cinéaste impose des lieux (local du privé, appartement de la vamp, ruelles abandonnées), des objets (téléphone, chapeau feutre, cigarettes), des personnages (femme fatale aux yeux cobalt, Levantin parfumé, chérubin meurtrier, gangster épicurien aux râles asthmatiques), et un climat morbide où rôdent peurs et désirs.

Le héros est un homme sans état civil ni morale, qui manie l'humour à froid et l'ironie nonchalante. Il a un langage et une conduite à heurter les douairières, un flegme misogyne à l'égard de ses maîtresses. Hammett en savait long sur les tueurs à gages et les maniaques sexuels, les politiciens corrompus et les dames nymphomanes, les avocats véreux et les tenanciers de boîtes louches. De l'assassinat qui donne le coup d'envoi de ses mystères, il ne donne à voir qu'un coup de revolver dans le brouillard. Après, "les dialogues parlent à la place des armes, écrit Roger Tailleur dans Positif (N° 75, mai 1966), les personnages se mitraillent de mots", lesquels s'appliquent à "compliquer les malentendus, à entortiller l'adversaire".

Tandis que le film noir se propage un peu partout, en Italie (Ossessione de Luchino Visconti, 1942), Angleterre (Le Troisième Homme de Carol Reed, 1947), Japon (Chien enragé d'Akira Kurosawa, 1949), France (Bob le Flambeur de Jean-Pierre Melville, 1955), Egypte (Gare centrale de Youssef Chahine, 1958), et qu'il vampirise tous les genres hollywoodiens, contaminés par les thèmes de la loi et du désordre, de la corruption, du destin fatal, dans des esthétiques brumeuses, vouées aux fantasmes morbides et au cauchemar, est créée en France en 1945 par Marcel Duhamel, chez Gallimard, la "Série noire", appellation trouvée par Prévert.
Bientôt accompagnée, chez les concurrents, par d'autres collections ("Le Bandeau noir", "La Veuve noire", "Fleuve noir"...), cette collection fascine les amateurs de filles fatales en bas Nylon et de dérives en Chevrolet décapotables, en même temps qu'elle encourage les intellectuels français à publier sous pseudonymes américains. Louis Chavance devient Irving Ford, Louis Daquin signe Lewis McDacking, Léo Malet se nomme Frank Harding ou Léo Latimer, Maurice Nadeau se cache derrière Joe Christmas et Boris Vian invente Vernon Sullivan.
Plongé dans La Recherche du temps perdu, Dashiell Hammett écrit à sa compagne Lilian Hellman : "Si Proust ne se décide pas bientôt à en finir avec Albertine, j'ai bien peur qu'il ne perde un client !" .

Jean-Luc Douin. « Le Monde »


QUELQUES OUVRAGES HISTORIQUES
Panorama du film noir américain 1941-1953, de Raymond Borde et Etienne Chaumeton (Flammarion, 1988) ;
Hard Boiled USA, Histoire du roman noir américain, de Geoffrey O'Brien (éd. Encrage, 1989) ;
Le Film noir, de Patrick Brion (Nathan Image, 1991) ;
Le Film noir américain, de François Guérif (Denoël, 1999),
Le Polar, sous la direction de Jacques Baudou et Jean-Jacques Schléret (Larousse, "Totem", 2001) ;
Le Film noir, vrais et faux cauchemars, de Noël Simsolo (éd. Cahiers du cinéma, 2005).
Dashiell Hammett : une vie, de Diane Johnson (Gallimard, "Folio", 1992). Les livres de Dashiell Hammet sont publiés en français par Gallimard.

QUELQUES PERSONNAGES CONTEMPORAINS
Deux dures à cuire, Kinsey Milhone, créée par Sue Grafton (Seuil) et V. I. Warshawski, par Sarah Paretsky (Seuil).
Mais aussi Spenser, romantique et gastronome, dû à Robert B. Parker (Gallimard).
Matt Scudder, ex-flic, ex-alcoolo, de Lawrence Block.
Ou encore le premier dur "homo", Dave Brandstetter, de Joseph Hansen (Rivages).
Et un Cubain : Mario Conde, dénicheur de livres rares, de Leonardo Padura (éd. Métailié).

Pour Voir d'autres Photographies, RDV dans la Galerie photos... The Maltese Falcon (1941) John Huston

Extrait VO : The Maltese Falcon (1941) John Huston

M le Maudit | Fritz Lang | 1931

Titre Français : M le Maudit

Titre Original : M Eine Stadt Sucht Einen Mörder

1931 - Allemagne

Policier / Film-noir / Thriller - 1h45

Réalisation : Fritz Lang

Avec : Peter Lorre (Hans Beckert), Gustaf Gründgens (Schraenker), Ellen Widmann (Madaem Beckmann), Inge Landgut (Elsie Beckmann), Otto Wernicke (Inspecteur Karl Lohmann)...

Scénario : Fritz Lang et Thea von Harbou, d'après un article d'Egon Jakobson

Photographie : Fritz Arno Wagner

Décors : Edgar G. Ulmer

Production : Nero Films


Fritz Lang parle de "M le Maudit"

Dans un entretien aux « Cahiers du cinéma » publié en 1966, le réalisateur explique qu'il a fait appel à « douze ou quatorze hors-la-loi » pour tourner la scène du jugement

Après les grandes fresques des Nibelungen, Metropolis et La Femme sur la lune, je me suis intéressé davantage aux êtres humains, aux mobiles de leurs actes. Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, M le Maudit n'était pas tiré de la vie de l'infâme assassin de Düsseldorf, Peter Kürt. Il se trouve qu'il avait juste commencé sa série de meurtres pendant que Thea von Harbou et moi étions en train d'écrire le scénario. Le script était terminé bien avant qu'il ne soit pris.

En fait, la première idée du sujet du film M m'est venue en lisant un article dans les journaux. Je lis toujours un peu les journaux en quête d'un point de départ pour une histoire. A cette époque, je travaillais avec la Scotland Yard de BerlinAlexanderplatz), et j'avais accès à certains dossiers dont la teneur était assez confidentielle. C'étaient des rapports sur d'innombrables assassins comme Grossman de Berlin, le terrible Ogre de Hanovre (qui a tué tant de jeunes gens) et d'autres criminels de même acabit.

Pour le jugement, dans M, je reçus l'aide inattendue d'une organisation de malfaiteurs parmi lesquels je m'étais fait des amis au début de mes recherches pour le film. En fait, j'ai vraiment utilisé douze ou quatorze de ces hors-la-loi, qui n'étaient pas effrayés à l'idée d'apparaître devant ma caméra car ils avaient déjà été photographiés par la police.


MON PREMIER FILM PARLANT
D'autres auraient bien aimé m'aider, mais ils n'ont pas pu le faire, parce qu'ils n'étaient pas connus des brigades criminelles. J'étais en train de finir le tournage des scènes où se trouvaient donc de véritables malfaiteurs, quand j'ai été informé que la police arrivait. Je l'ai dit à mes amis, mais en les priant de rester pour les deux dernières scènes. Ils acceptèrent tous et j'ai tourné très rapidement. Quand la police arriva, mes scènes étaient dans la boîte et mes « acteurs » avaient tous disparu

Si j'avais été associé à un producteur, je n'aurais jamais pu faire ce film. Quel producteur aurait voulu d'un film sans histoire d'amour et où le héros est un assassin d'enfants ? Comme M était mon premier film parlant, j'ai fait des expériences avec le son, qui n'étaient évidemment pas possibles dans le cinéma muet.

Souvenez-vous du mendiant aveugle qui va au Bazar des mendiants pour louer un orgue à main : quand on lui joue un morceau, quelques fausses notes heurtent son ouïe ; brusquement, il met ses mains sur ses oreilles pour ne plus entendre ces sons discordants et, au même moment, la musique s'arrête dans le film. Il y a d'autres moments où je me suis servi du son : les pas dans le silence étrange d'une rue, la nuit, ou bien la respiration lourde du tueur d'enfants.

Mais, de même que le son peut donner de l'intensité à une scène, la suppression délibérée d'une action peut en augmenter le contenu dramatique. Laissez-moi vous expliquer... Quand l'enfant est tuée, sa petite balle sort en roulant d'un buisson et finalement s'arrête. Le public l'a identifiée avec la petite fille et à partir de cela, par association d'idées, il sait qu'avec le mouvement de la balle, la vie de la petite fille s'est arrêtée aussi.

Je ne pouvais pas, bien sûr, montrer d'horribles violences sexuelles sur cette enfant, mais en ne montrant pas l'action, j'obtenais plus de réactions chez le public que si j'avais réellement montré la scène en détail. J'obligeais le spectateur à se servir de sa propre imagination.


UNE SORTE DE PSYCHANALYSTE
D'autre part, un simple procédé peut augmenter l'intensité d'une scène en montrant ce que l'acteur est supposé penser. Vous souvenez-vous du « gadget » mobile dans la vitrine d'une boutique de jouets ? Une flèche se déplaçant de haut en bas vers l'oeil d'un taureau ?... Cela prend pour le meurtrier une signification sexuelle dont le public est pleinement conscient... [...]

J'ai souvent dit qu'un metteur en scène, travaillant avec des acteurs, devait être une sorte de psychanalyste, non pas pour les acteurs eux-mêmes, bien sûr, mais pour les personnages. Ils existent d'abord sur le papier ; le metteur en scène doit les faire vivre pour l'acteur, puis pour le public.

Un jour, à Hollywood, un écrivain m'a dit : « Je sais exactement ce que vous pensiez quand vous tourniez telle scène de M », et je lui ai répondu : « Dites-le. » Il m'a longuement débité sa théorie et c'était complètement faux. Du moins, je le pensais à l'époque, mais des années plus tard, alors que j'étais en pleine conférence de presse à Paris et que je racontais cette anecdote, je me suis arrêté net, parce que j'ai réalisé qu'il pouvait y avoir une profonde vérité dans ce genre de choses... que ce que l'on appelle la « touche » d'un metteur en scène venait de son subconscient - et lui-même en est inconscient quand il fait son film...

Gretchen Weinberg
Une confession de Fritz Lang "Cahiers du cinéma" publié en Juin 1966


L'Auteur en Majesté

Comme Griffith , Murnau et quelques autres, Fritz Lang fait partie de la petite communauté de cinéastes qui, d'emblée, malgré une méfiance originelle envers un art jugé impur, ont été considérés comme des artistes majeurs. A tel point que le créateur de Metropolis, en 1927, en est venu à incarner l'Auteur dans toute sa majesté (et à jouer ce rôle dans Le Mépris réalisé par Jean-Luc Godard en 1963).

Pendant sa carrière européenne, de 1919 avec Le Maître de l'amour à 1934 avec Liliom, Lang exerce un contrôle absolu sur la fabrication de ses films. A Hollywood (de Furie en 1936 au Diabolique Docteur Mabuse en 1960), il luttera pour conserver sa liberté.

Il avait tout du mythe : l'oeuvre géniale, où se succèdent les chefs-d'oeuvre, et une incroyable personnalité.

Prenons par exemple l'histoire de sa convocation par Goebbels. Il venait de réaliser un film ouvertement antinazi, Le Testament du Docteur Mabuse en 1932. Mais voici que le ministre de la propagande lui déclare : « Le Führer a vu votre film Metropolis et a dit : voici l'homme qui créera le cinéma national-socialiste. » « Le soir même, j'étais dans le train », racontait Lang. L'anecdote manque de sérieux historique ? Qu'importe, elle est plus langienne que nature avec son mélange d'angoisse et de panache.

Fritz Lang était né à Vienne, en 1890, dans la bonne bourgeoisie catholique (sa mère, juive, s'était convertie). Tenté par la peinture, il se découvre, à Berlin, une vocation de cinéaste. Décision qui naquit, écrivit-il, « d'une conviction étrange, presque somnambulique ».

Sa première femme se suicide après l'avoir découvert dans les bras de sa scénariste, Théa von Harbou. Lang est soupçonné de meurtre, expérience qui le laisse paranoïaque : son amie et biographe Lotte Eisner raconte que, jusqu'à trente ans plus tard, établi à Beverly Hills, il notait tous ses faits et gestes dans un « épais volume » pour avoir toujours un alibi irréfutable à disposition.

Dans les films allemands, son style est déjà d'une audace étonnante. Surimpressions admirables dans Docteur Mabuse en 1922 ; géométrie précise dans Les Nibelungen en 1924 et le futuriste Metropolis en 1926.

Les ombres qui planent sur M le Maudit annoncent l'avenir immédiat de l'Allemagne. Plus largement, elles témoignent d'une conception de l'homme fondée sur la pulsion de mort. « Le désir de blesser, le désir de tuer, écrivait-il, sont étroitement liés au besoin sexuel, sous l'empire duquel aucun homme n'agit raisonnablement. »

La mort, « le plus grand drame », qui « a toujours le dernier mot », hante toute son oeuvre, des sublimes films noirs (La Femme au portrait en 1944 ; Le Secret derrière la porte en 1948) au chef-d'oeuvre sur l'enfance déguisé en film d'aventures (Les Contrebandiers de Moonfleet en 1955).

Il s'éteint en 1976, seize ans après un dernier Mabuse, laissant une oeuvre immense. « Lang, qui vivait avec tant d'intensité, ne se laisse pas réduire - lui et ses films - à un dénominateur commun », écrivait Lotte Eisner.

Florence Colombani
Article Le Monde dans l'édition du 03.10.2004



M ou l'Esprit de la Lettre

C'est à la lettre, évidemment, qu'il faut prendre le plan le plus connu de M le Maudit. Etonnante cinégénie de ce caractère central de l'alphabet qui s'inscrit au milieu de l'écran au moment où le tueur de fillettes découvre dans un miroir la marque infamante qui le désigne à la vindicte publique. Il n'est guère moyen, en effet, de différencier le M majuscule de son reflet.

La lettre et son double viennent illustrer un principe de réversibilité dont l'affirmation, répétée tout au long du film, continue à fasciner et à déranger le spectateur du XXIe siècle. Aplanissement de tous les pôles, perte des points de repère : le premier opus parlant de Fritz Lang fait partie de ces rares chefs-d'oeuvre dont la consécration ne réussira jamais à éroder le pouvoir subversif.

Lorsque tant d'autres films jouent de la transformation, M proclame, comme son héros psychopathe, que je est aussi un autre. Manière d'affirmer, en radicalisant le modèle romanesque de Stevenson (que Lang ne fera qu'adapter tout au long de sa carrière), que Dr Jekyll est Mr Hyde. Il faut donc revenir au personnage de Hans Beckert, créature hallucinée interprétée par un Peter Lorre extatique, et l'entendre déclarer à ses juges en une séance fulgurante d'auto-analyse : « Je sens que quelqu'un me suit par les rues. C'est l'autre qui me poursuit. Et parfois j'ai l'impression de me poursuivre moi-même. »

Dès lors, la culpabilité du tueur d'enfants n'a plus d'égale que son insupportable irresponsabilité. Sa question toute rhétorique « Est-ce que je peux faire autrement ? » renvoie à l'idée d'une malédiction à l'antique que la traduction française du titre, pourtant excessivement bavarde, perçoit avec justesse. La force de Lang est précisément de ne pas escamoter le scandale et le trouble que suscite ce point de vue. Le cinéaste donne donc la parole aux tenants de la plus radicale des politiques répressives et les laisse ironiser sur l'innocence d'un criminel qu'ils ont condamné bien avant la mascarade du procès.


TRIBUNAL DE GUEUX ET DE CRIMINELS
« Elle est bonne ! Pour qu'on te déclare irresponsable et qu'on te cajole dans une maison de santé ! Puis tu t'échapperas ou il y aura une amnistie. Et toi, peinard, t'as rien à craindre : t'es irresponsable. Tu zigouilleras encore des fillettes ! » Discours universellement connu que celui des tenants de la peine de mort, avec lequel le cinéaste prend ses distances. C'est un tribunal de gueux et de criminels - présidé par un chef de gang dont la blondeur, le manteau de cuir et la froide brutalité dessinent avant l'heure le nazi archétypal - dont les résolutions eugénistes invitent à l'exécution : « Il faut l'exterminer. Il faut l'éliminer. » Termes terrifiants au regard de l'Histoire.

Gardons-nous pourtant de conclure à la supériorité de la justice régulière sur celle de la pègre. Le procès souterrain n'est sans doute que la métaphore du procès régulier. L'issue de ce dernier, dont Lang feint de se désintéresser, ne sera probablement pas différente pour l'accusé. Les citoyens ordinaires n'ont-ils pas fait montre dès les premières minutes du film d'un goût pour le lynchage que ne renie pas la faune de l'Unterwelt ?



Comment, d'ailleurs, ne pas interpréter dans le même sens la quête parallèle des hors-la-loi et des policiers ? Et le comble que représente la victoire de bandits bien organisés prenant de vitesse les autorités dans leur traque du criminel ? Le commissaire ment à celui qu'il veut faire avouer. Le cambrioleur pris sur le fait se compare à un « nouveau-né ». L'assassin est formellement reconnu par un aveugle. C'est bien un monde où se répondent vrais coupables et faux innocents qui se dessine.

La puissance démonstrative du raccord sonore enfonce le clou : une phrase commencée par un policier peut être terminée par un truand. Le genre même du film est contaminé par cette confusion généralisée. La multiplication des documents écrits - journaux, affiches, lettres - ainsi que la description minutieuse des indices et des méthodes d'investigation des enquêteurs abolissent la frontière du documentaire et de la fiction. Ne subsiste alors que le doute hyperbolique et violemment pessimiste d'un cinéaste qui n'hésite pas à s'impliquer dans le scepticisme ambiant. Nul n'a oublié l'obsédante Chanson de Solveig, tirée de Peer Gynt, de Grieg, qui sert de leitmotiv aux apparitions du criminel. Devant l'incapacité de Peter Lorre à siffloter la fameuse scie, Fritz Lang choisit, dit-on, d'interpréter lui-même l'entêtante mélodie du tueur. Et de devenir, à jamais, la doublure de M.

Thierry Méranger - Le Monde



Extrait : M le Maudit (1931) Fritz Lang